Période 2 - L'installation des Blancs

Publié le par Iphoes

 

NB : cette section historique s'appuie notamment sur l'Histoire de l'Afrique du Sud de François-Xavier Fauvelle-Aymar (2006).

 

 

Depuis quand y a-t-il des Blancs en Afrique du Sud ?

 

En 1488, Bartolomeu Dias débarque au cap de Bonne-Espérance. Dans les années suivantes, les Européens font des haltes régulières en pays khoekhoe ; ils en profitent pour troquer des perles et du métal contre de la viande et de l’eau. Mais, en 1510, le massacre de dizaines de Portugais dans la baie de la Table (Le Cap) conduit les navires européens à préférer l’île de Moçambique pour leurs escales…

 

Les contacts reprennent dans les années 1590, quand des compagnies commerciales privées (notamment anglaises et néerlandaises) commencent à concurrencer les Portugais pour l’exploitation de la route des Indes par le cap de Bonne-Espérance. Les Blancs s’arrêtent à nouveau dans la baie de la Table. Les indigènes du cap, des Khoekhoe renommés Hottentots, incarnent le « bon sauvage ».

 

Au XVII° siècle, le troc bat son plein. La ponction sur les troupeaux khoekhoe s’accentue… ce qui n’est pas sans poser de problèmes chez ces sociétés de pasteurs. On voit apparaître des « Strandlopers » (« Watermen ») : désormais dépourvus de bétail, ces « écumeurs des plages » se nourrissent de cadavres de phoques et de baleines…

 

En 1647, un navire fait naufrage au Cap. Les naufragés construisent un fortin… et découvrent tous les avantages qui seraient tirés de l’installation d’une station au Cap pour le ravitaillement et l’infirmerie. C’est ainsi qu’est fondé en 1652 le poste « Goede Hoop » par une centaine d’hommes menés par Jan Van Riebeeck. A cette époque, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) détient le monopole du commerce avec les Indes orientales. Pour le ravitaillement de ses bateaux, la VOC compte sur le bétail khoekhoe (troc) et sur le blé et le vin désormais produits sur place par le personnel de la Compagnie. Mais cela s’avère vite insuffisant. Dès 1658, la VOC a recours au travail servile : la station devient une colonie, avec des fermiers indépendants dotés de terres, dont la production est achetée à prix fixe par la VOC.

 

Le bruit court que la nouvelle colonie a du potentiel… De 1685 à 1707, les gouvernements européens incitent à l’émigration massive (notamment, en France, pour les Huguenots fuyant la révocation de l’édit de Nantes…) ! Le voyage au Cap est offert, et les migrants se voient offrir une parcelle de terre à leur arrivée. La petite colonie grandit vite : de 1.000 personnes en 1700, elle en compte environ 25.000 en 1800. Vers 1730, la majorité des colons sont déjà natifs de la colonie… Ils se considèrent pleinement Africains, ils sont déconnectés des métropoles de leurs ancêtres : ce sont les futurs « Afrikaners ».

 

 

Et sur place, que font-ils ?

 

En 1703, les colons obtiennent l’autorisation de faire pâturer leurs bêtes sur des terres non formellement annexées à la colonie… Et, dans les décennies suivantes, ces terres seront dotées de baux assimilables à des titres de propriété sur des parcelles de 2.500 ha ! Parallèlement au développement de plantations esclavagistes céréalières et viticoles, aux mains de riches propriétaires, des petits fermiers s’installent à leur compte. En 1717 néanmoins, la fin des dotations gratuites de terres est déclarée. En réaction, les fermiers deviennent itinérants (« trekboers ») et sont contraints d’avancer toujours plus loin dans le pays pour trouver des terres. C’est ainsi qu’en 1710, les premiers trekboers atteignent les fleuves Orange (au nord) et Fish (à l’est).

 

La structure d’une ferme est la suivante : en haut de l’échelle règne le « baas » (maître) et sa famille. On trouve ensuite les contremaîtres (petits Blancs ou Africains, les travailleurs agricoles et domestiques (familles africaines), et les esclaves. L’économie est fondée sur l’élevage (mouton, vache) et les ressources du « veld » (brousse). Une culture rurale (afrikaner) se construit autour de l’autoritarisme, des références aux Ecritures, du besoin de grands espaces, de l’aspiration à l’autosubsistance… Mais, en fait, les colons restent économiquement dépendants du Cap, notamment pour l’achat de munitions et la vente des animaux.

 

Il y a, évidemment, du métissage. Les Non-Blancs issus d’un Blanc et d’une Noire sont appelés « Bastaards ». Ils sont parfois intégrés dans la communauté blanche, mais la plupart du temps ils n’ont droit à aucun héritage et participent à l’avancée du front pionnier en s’installant toujours plus loin du Cap.

 

Le front pionnier est un haut lieu d’hybridation mais, curieusement, c’est aussi là que se rigidifient les relations sociales. La hiérarchie sociale est strictement raciale : Blanc > Bastaard > Hottentot. En marge se trouvent les drosters : ce sont généralement des fugitifs (esclaves, marins, petits Blancs endettés, pillards…).

 

 

 

Mais au fait c'est vrai... Quid des Khoekhoe dans tout ça ?

 

Les premiers règlements coloniaux interdisent l’asservissement des Africains du Cap. Cette contrainte poussera les colons à faire venir de la main-d’œuvre d’Orient1. Néanmoins, si le statut des Africains reste « libre », leur condition varie dans l’Histoire.

 

Comme on l’a vu, les premiers contacts entre Khoekhoe et Européens se construisent autour du troc (viande contre métal et tabac). Mais les troupeaux khoekhoe ne peuvent répondre à la demande croissante des nouveaux arrivants… Aux premiers signes de destruction de leurs sociétés fondées sur l’élevage, les Africains se mettent à vendre moins de bétail, ou livrent des animaux vieux ou malades. Les Néerlandais se tournent alors vers d’autres groupes khoekhoe de l’intérieur. Des tensions apparaissent entre les kraals. Pour « pacifier les relations entre indigènes », l’administration coloniale s’érige en pouvoir souverain : elle nomme des chefs locaux loyaux, impose un tribut annuel et des amendes en têtes de bétail…

 

Quand les colons s’installent, ils expulsent purement et simplement les Khoekhoe de leurs terres de pâturage. Pour les Européens, la terre n’est pas mise en valeur. C’est en fait la confrontation entre deux modes de tenure foncière : les colons ont une tenure foncière exclusive, et ils sont sédentaires. Au contraire, les Khoekhoe sont semi-nomades : leurs troupeaux sont conduits en fonction de la disponibilité des pâturages et des points d’eau, sur des territoires imbriqués, avec des droits d’usage superposés.

 

Dès le XVIII° siècle, des kommandos se mettent en place : ces milices de fermiers initialement formées pour défendre les intérêts de la colonie multiplient les raids punitifs et les razzias contre les kraals (cible : le bétail, mais aussi les femmes et les enfants).

 

De façon prévisible, les conflits se multiplient. Les premières « guerres hottentotes » éclatent en 1659-1960. Dans les années 1770, ce sont les « guerres bushmen », puis les « guerres cafres » (Xhosa) dès 1779 et jusqu’à la moitié du XIX° siècle. Toutes ces « guerres indigènes » freinent l’expansion de la colonie, mais les locaux sont toujours vaincus. La résistance devient peu à peu moins violente : refus de commercer ou fuite hors de la colonie.

 

Prélèvements croissants sur le bétail, expulsion des terres, pillages… Sans compter la variole de 1713. Les sociétés khoesan de l’intérieur sont en fait victimes d’une extinction massive. Désormais, les Khoekhoe survivants se réduisent à quelques individus désocialisés en quête de travail. Il est facile d’en faire des « domestiques » et de les traiter en esclaves.

 

 

Et le XIX° siècle, il commence mieux ?

 

En 1814, la convention de Londres est signée : la colonie du Cap est annexée à la Couronne britannique.

 

En 1815, un fermier blanc, accusé de mauvais traitements envers son serviteur khoekhoe, meurt lors de son arrestation. Les Afrikaners se soulèvent massivement, mais l’insurrection est matée et les responsables pendus. C’est la rébellion de Slagtersnek. Pour la nouvelle autorité coloniale, c’est le début de la reprise en main de la colonie. Mais pour les nationalistes afrikaners, cet événement reste gravé dans les mémoires comme motif d’un vif ressentiment envers les Africains et les Britanniques.

 

 


1 La traite s'organise officiellement (par la VOC) et surtout illégalement. Les esclaves viennent de Madagascar, d'Indonésie, d'Inde...

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I
<br /> Ces articles d'histoire sont un peu rébarbatifs, j'en suis consciente ! Mais vous pouvez ne pas les lire, c'est permis <br />
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