Période 1 - Les premières conquêtes du territoire
NB : cette section historique s'appuie notamment sur l'Histoire de l'Afrique du Sud de François-Xavier Fauvelle-Aymar (2006).
L’Afrique du Sud serait l’un des foyers de l’hominisation, mais il est difficile de remonter aussi loin dans l’histoire… Avançons un peu vers le présent.
Des populations de chasseurs-cueilleurs (hunter-gatherers) se mettent en place dès le Later Stone Age (il y a environ 25.000 ans). Ces chasseurs-cueilleurs vivent en bandes de 25 personnes rassemblées à proximité des points d’eau en saison sèche, et dispersées pendant l’été (saison humide). Ils ne sont pas vraiment nomades, puisque chaque groupe exploite un territoire bien défini (notamment par les points d’eau). C’est une société égalitaire, avec un partage des ressources rendu nécessaire par la rareté desdites ressources : sans possibilité de stockage, il n’y a pas de propriété privée donc pas de différenciation sociale.
Ce mode de vie se retrouvera, dans les grandes lignes, chez les Bushmen (ou San) découverts par les premiers colons dans le Kalahari (ouest du pays). Ce qui alimentera, dans les années 1990, le « débat du Kalahari » visant à savoir si les Bushmen sont (1) des populations à peu près préservées de toute influence extérieure, ou (2) des populations dont l’isolement est une résultante récente de l’emprise coloniale sur le Kalahari, après des siècles de participation aux échanges.
Il y a environ 2.000 ans, on observe l’apparition de « chasseurs avec bétail » sans que l’on puisse réellement savoir s’il s’agit (1) d’éleveurs venus du foyer de domestication zimbabwéen (dérive migratoire) ou (2) d’un mouvement de diffusion de l’élevage au sein des populations de chasseurs-cueilleurs (néolithisation). Toujours est-il que l’apparition de l’élevage introduit les notions de propriété privée, d’accumulation de capital, et donc de différenciation sociale. Au XVII° siècle, on différencie ainsi parmi les Khoesan :
- Les Khoekhoe : éleveurs de bétail. Semi-nomades (transhumance), ils vivent dans des huttes démontables organisées en campements dont l’espace central sert d’enclos à bétail et est appelé kraal.
- Les San : chasseurs exclusifs, éleveurs en rupture de ban, pilleurs. C’est, en fait, une fraction plus ou moins marginale de Khoekhoe qui n’a pas bien réussi sa transition vers l’élevage.
En arrivant sur les lieux, les colons ont interprété cette distinction essentiellement sociale comme une dichotomie ethnique Hottentots (Khoekhoe) / Bushmen (San), terrain privilégié pour la mise à l’épreuve des théories des Lumières sur l’état de nature1.
Parallèlement à l’extension des Khoekhoe à l’ouest et au sud (jusqu'au futur Cap de Bonne-Espérance), des agriculteurs apparaissent dès le III° siècle à l’est, sur le versant intérieur du cordon de dunes qui court depuis le Mozambique jusqu’au KwaZulu-Natal. Ce sont des migrants venus du Kenya ou de Tanzanie. Leurs villages sont construits de maisons circulaires en bois ; ils cultivent le sorgho, l’éleusine, le petit mil, exploitent les ressources marines et développent la métallurgie du fer (Iron Age). Plus tard, les agriculteurs se font également éleveurs et, à la fin du premier millénaire, l’élevage bovin est très important dans la région. Aux XIV-XV° siècles, la population agricole occupe tout le pays à l’est de l’isohyète 500mm (limite climatique pour l’agriculture) ; elle est organisée en un tissu de chefferies qui entretiennent d'importantes relations commerciales.
Les Khoesan qui occupaient également l’est du pays sont peu à peu incorporés dans les sociétés bantu, mais l’assimilation culturelle est à double-sens : la linguistique révèle par exemple que le click2 caractéristique des langues khoesan a été adopté dans certaines langues bantu d’Afrique du Sud (notamment le zulu et le xhosa).
1 La même confusion pourrait avoir eu lieu au Burundi et au Rwanda entre Hutus (agriculteurs) et Tutsis (éleveurs), avec les conséquences que l’on connaît…
2 Click : consonne implosive produite avec la langue ou les lèvres (ex : bruit du baiser, claquement de langue comme pour appeler un cheval, etc.)